La vie dans les Hamptons est loin d’être comme je me l’étais imaginé. En Australie, j’avais mes parents et nous vivions sous un tel seuil de pauvreté que j’étais obligé de vendre mon corps pour les aider à payer les factures et participer un minimum à la vie de notre maison. Puis, j’ai décidé de prendre mon envol, car à mon âge il est temps quand même… Je suis arrivé aux Etats-Unis, dans les Hamptons plus précisément. Un peu d’argent en poche allait me permettre de repartir à zéro, retrouver une vie meilleure. Et puis, je me suis fait voler mon sac et toutes mes économies, ainsi que mes rêves, sont partis en fumée.

C’est ainsi que je me retrouve ce soir dans un bar. Vous allez vous demander le rapport dans tout cela ? Et bien, je « travaille » dans une maison close et ce soir, c’est mon jour de congé, sauf que je n’ai toujours pas d’argent, juste assez pour boire quelques verres en fait. J’espère trouver des clients, si vous voyez ce que je veux dire, car il n’y a rien de mieux que ce genre de soirées pour se faire de l’oseille. Et puis, je dois dire que le sexe me manque, la tendresse surtout, même si ce n’est pas fréquent dans mon milieu alors j’ai osé sortir le grand jeu. J’ai pris quelques affaires oubliées par des clients lors de leurs ébats avec mes collègues féminines. Et me voilà à siroter un whisky au bar. Bientôt, je remarque une demoiselle qui semble seule au bar. Je ne peux m’empécher de me demander si elle attend quelqu’un ou si tout simplement je n’ai pas vu la personne qui l’accompagne. Tant pis, je tente le tout pour le tout.

« Vous savez que ce n’est pas très prudent pour une femme d’être seule dans un bar le soir ? Je pense qu’avec un homme près de vous, vous seriez plus en sécurité. »

A peine ais-je terminé ma phrase que je sens que j’aurais dû tenter une autre approche. Je le vois à l’expression sur son visage et je ne tarde pas à le ressentir également dans le ton de sa voix alors qu’elle m’annonce qu’elle s’en sort très bien toute seule. Moi qui voulait lui proposer mes services, je sens que c’est râpé. Mais j’ai d’autres atouts dans ma manche comme qui dirait et je ne me laisse pas démonter aussi facilement alors je lui réponds presque du tac au tac, ne montrant pas que sa réaction n’était pas celle que j’attendais.

« Dans ces cas-là, je peux juste vous servir de compagnie… Et puis vous savez, ça vous évite que des gros lourds viennent vous aborder… Comme le petit gros là-bas qui vous reluque depuis dix minutes… »

J’ai en effet remarqué cet homme qui ne lâche pas les fesses de la demoiselle du regard. Il me parait d’ailleurs évident que si je pars, il ne mettra pas longtemps avant de tenter sa chance à son tour. Et sans vouloir me vanter, je pense tout de même que je suis de bien meilleure compagnie que lui alors autant continuer sur ma lancée…

« Mais si vous préférez vraiment passer la prochaine demi-heure avec lui plutôt qu’avec moi, je me ferais un plaisir de regarder la scène de loin. Alors qu’est-ce que vous en dites ? Je vous paye un verre ? »

Je constate qu’elle réceptionne mes paroles avec un certain intérêt, ou c’est peut-être juste une impression après tout. Quoiqu’il en soit, elle m’annonce le nom d’une boisson. Je prends donc ceci comme l’acceptation que je lui offre un verre. Je n’attends pas une seconde de plus pour faire signe au serveur. Il ne manquerait plus que je ne tarde trop et qu’elle finisse par changer d’avis. Le barman arrive presque instantanément. Il y a beau y avoir pas mal de monde il semble bien organisé. J’annonce alors :

« Deux vodka redbull s’il vous plait. »

Je ne cherche pas de midi à 14 heures et je commande la même chose que la jeune femme. C’est une boisson qui me plait, même si j’ai d’avantage l’habitude de tourner au whisky coca, ou à la bière. Des boissons d’homme quoi. Je l’observe en train de préparer les verres et dès qu’ils les apportent, je me retourne vers la demoiselle en lui tendant sa boisson.

« Et voilà pour mademoiselle. »

Elle me demande qui elle doit remercier. J’aurais bien envie de jouer l’homme mystérieux en répondant un simple « moi » mais je comprends bien que par sa question, elle souhaite en connaitre d’avantage sur ma personne. Je réponds alors avec un large sourire.

« Tu peux m’appeler ton sauveur du samedi soir… Ou Sloan plus simplement. Et toi ? Une jolie demoiselle comme toi doit avoir un nom à couper le souffle j’imagine ? »

Je l’entends qui répète mon prénom. Je n’ai jamais trop compris les gens qui font ça. Comme si le prénom caractérise toute notre personne. Il est pourtant choisi par nos parents et notre caractère, c’est nous qui le développons au fil du temps. Bref, mes pensées divaguent et je me contente de sourire. Elle fait bien ce qu’elle veut et peut-être que c’est juste pour mieux le retenir en fait. Puis, elle en vient à son prénom à elle. Alexie de ce qu’elle me dit. C’est étrange. Je m’attendais à autre chose. La preuve qu’un prénom ne veut rien dire… Mais bon, il faut bien passer par là au début d’une conversation parait-il.

« Plutôt pas mal si ! Tes parents ont de bons goûts en matière de prénoms ! »

A mon tour, j’entame mon verre, comme si tout ceci m’avait donné soif. J’ai besoin d’un peu d’alcool dans le sang normalement pour draguer une aussi jolie fille. De quoi vous ne me croyez pas ? Bon d’accord, souvent je n’en ai pas besoin mais il y a certains personnes quand même qui sont tellement impressionnantes qu’une petite boisson aide légèrement. Surtout quand l’enjeu est une nuit sous un pont plutôt que dans un lit confortable en bonne compagnie. Sérieux, vous ne seriez pas prêt à tout vous, rien que pour ça ?

Je décide de continuer sur ma lancée, afin de savoir si des personnes pourraient venir déranger cette discussion qui commence si bien.

« Et donc tu es venue toute seule ce soir ou des amis qui t’ont abandonné ? »

La jeune femme me répond bientôt qu’elle n’est en effet pas venue seule. A voir où son regard se dirige, je comprends que ses amis ne prêtent pas vraiment attention à son absence. Cela me rassure car personne ne viendra nous déranger comme ça. Néanmoins, cela lui donne une excuse si jamais je l’ennuie trop, en prétextant que ses amies ont besoin d’elle, ou n’importe quel autre mensonge qu’elle pourrait utiliser au moment opportun. Je souris à cette révélation. Si elle préfère passer un petit moment en ma compagnie plutôt qu’avec elles, je vais m’en réjouir plutôt qu’autre chose. Puis, on en vient à ma présence dans le bar.

« Je viens tout juste de débarquer en ville. Je viens d’Australie si tu veux tout savoir. »

Elle ne m’a pas posé cette question et peut-être qu’elle n’en a rien à faire mais bon, je le dis quand même parce que je suis quelqu’un bavard de nature.

« Donc si je comprends bien, tu viens souvent ici ? Ce qui veut dire que si je souhaite te revoir, j’ai juste à venir boire un verre ici ? »

C’est une sorte d’invitation mais également un moyen de savoir si éventuellement, elle accepterait ma compagnie pour une autre soirée. Et j’enchaine par une petite question, car je suis curieux.

« Et toi du coup, native des Hamptons ? »