◊ AVANCE MARCHE COURT AIME ET MEURT ◊

Le cadran indiqua dix heures pile. Le bruit sonore de ce dernier devint rapidement insupportable, et dans un grognement mélodique, elle vint le frapper de toutes ses forces, afin de faire taire ce vacarme. Les draps blancs étaient rabattus sur sa tête, alors qu'elle tentait de stopper le soleil dans sa course folle qu'est celle de l'éblouir un beau samedi matin. Bien que sa nuit fût longue, elle n'en demeurait pas moins d'une fatigue semblable à de la flemmardise. Elle se leva difficilement, en réprimant deux ou trois bâillements avant de définitivement se décider à aller manger. Le cadran indiquait dix heures vingt. Nouveau soupir, et grognement quant au besoin de rangement dont avait besoin son appartement. Bordel pas possible, qu'elle aimait dire. Elle enjamba ce fameux bordel pour atteindra sa cuisine, qui ô miracle était dans un état miraculeux et méticuleux. Tartine et café, le nectar l'emplit d'une chaleur apaisante, alors que le goût du pain beurré lui donnait la force et la joie de continuer cette journée. Elle éplucha rapidement ses factures, et fit un petit tour rapide sur son ordinateur qu'elle adulait tant. Internet, doux internet. Elle se massa douloureusement la tempe, alors qu'elle cherchait dans ses souvenirs et sa mémoire défectueuse ce qu'elle avait à faire. Courses, rangement, cuisine et travail. Grognement. Soupir. Rage. Elle ferma violemment son ordinateur et se dirigea vers sa salle de bains. Douce chaleur et merveilleuse sensation que celle de l'eau brûlante coulant à flots sur son corps nu et tremblant. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par l'égouttement de l'eau limpide. Le bruit s'arrêta sèchement, et son corps dut rapidement braver le froid glacial de la température qualifiée de normale. S’emmitouflant dans une serviette chauffée au préalable, elle piocha quelques vêtements et s'en habilla promptement. Elle omit de se maquiller, mais au dernier moment, se décida à assumer la féminité qu'elle avait tendance à oublier. Ses cheveux dorés furent lâchés et abandonnés à leur triste sort, condamné à combattre la férocité du vent. Elle épousseta rapidement son chez-soi, essayant de rendre correct cet endroit qui était devenu incorrect. Ranger ; ranger ; ranger. Elle souffla d'agacement, cela ne lui plaisait guère, et ne lui avait jamais plu. Ce qui contrastait fortement avec son caractère maniaque au possible. Elle grimaça une fois que tout fut rangé. Son ventre gargouilla, et son corps entier lui hurler de stopper pour se reposer. Son dos la faisait souffrir, victime de mouvement trop brusque et traînant sur la longueur. Le cadran indiqua onze heures quarante-six.

Le fast-food. Ah, quel bel endroit ! Seul restaurant où pouvez se régaler les jeunes adultes fauchés. Ce qu'elle était par ailleurs, fauchée comme les blés. Elle avait juste de quoi s'acheter un menu avant de toucher sa paye qui était sensée arrivait demain. Bien qu'elle sue en elle qu'elle ne la toucherait pas avant après-demain. Elle était le pigeon, ayant conscience de l'être, mais ne pouvant rien faire contre. Elle descendit les marches quatre à quatre, impatiente d'accéder à cette caverne où trônait le festin qu'elle avait tant attendu depuis des jours.« Merde ! » s'écria-t-elle alors qu'elle avait manqué de rater la marche devant elle, s'étant accroché de peu à la rambarde de bois usé. Elle chercha rapidement son trousseau de clés, qui était toujours introuvable quand elle en avait le plus besoin par ailleurs. Elle le ressortit fièrement, ouvrit la porte et rabattit ses lunettes sur ses yeux, afin de ne pas laisser sa rétine bleutée se calciner trop rapidement.

Elle marchait à présent à travers le boulevard en face de chez elle, évitant soigneusement les voitures qui filaient à toute vitesse en crachant une fumée toxique. Il était rare qu'elle se sente seule, et pourtant, cette journée n'avait que ce mot qui résonnait en elle : seule. Personne pour lui dire bonjour, hormis répondre au sourire de l'épicier en lui adressant un vague geste de main. Elle s'en fichait éperdument, mais pour une fois, elle aurait voulu trouver quelqu'un. Même si cette solitude allait de paire avec son ennui récalcitrant qu'elle se trimbalait depuis dix heures ce matin. Un courant d'air traversa son t-shirt, la faisant frissonner de la tête au pied. Elle se stoppa net, sentant que quelque chose manquait. Quelque chose n'allait pas. Elle avait oublié, et ce souvenir qui lui revenait était sur le bout de sa langue. Fermer la porte ? Non, elle était jem'enfoutiste, mais tout de même consciencieuse. Elle leva les yeux au ciel et se donna une tape à son visage.« Putain, mon soutif ! » Il était resté là-bas, celui à dentelle rose qu'elle avait pourtant mis en évidence sur le bord de son lit. Non, elle n'avait rien, et elle se maudit elle-même de l'avoir oublié. Même si au fond, elle savait que cet oubli n'allait pas être décisif sur le reste de sa journée. Elle secoua la tête, et continua son ascension.

Les lourdes portes furent poussés assez violemment si je puis dire, comme projeté par une fureur incontrôlable. Elle resta quelques instants sur place, légèrement courbée, les yeux grands ouverts, en faisant une grimace de surprise. Elle était belle à voir tiens ! Comme l'enfant prit sur le fait de sa bêtise. Elle avança doucement, en prenant soin de ne plus toucher la porte avant de se diriger expressément vers le comptoir désert. Il n'y avait personne ici, aucun client et le serveur semblait s'ennuyer à mourir. Elle avança avec son plus beau sourire, et adopta une pose pour le moins étrange.« « Boonjour ! Un menu à quatre-vingts dix, avec coca et frites. Et une glace caramel, sur place, s'il te plaît ? » Montrant à la fin un grand sourire enfantin, alors que son visage était encadré par ses mains. Elle se redressa, et s'adossa contre le comptoir. Elle tira légèrement sur son t-shirt, légèrement trop moulant. Consultant son téléphone, elle attendit patiemment que le serveur finisse de préparer son repas. Elle regarda furtivement, et s'empressa de prendre le cornet de frites et d'en manger goulûment. Elle ressemblait à une enfant ainsi, tant elle mangeait vite et de façon étrange. Ses yeux s'élargirent quand elle rencontra la dernière frite, et fit une mine boudeuse. Le serveur, sans doute fatigué, lui regarnie son plateau, ne s'étant pas rendu compte du chapardage de la jeune fille. Son sourire se dressa jusqu'aux oreilles, faisant légèrement retomber son bonnet, qu'elle s'empressa de remettre.« Merci Bro ! » dit-elle joyeusement. Elle alla s'asseoir vers une table près de la fenêtre, et croqua avec avidité dans son sandwich. Le cadran indiqua douze heures vingt-trois.

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