Ça ne pouvait pas foirer. Elle ne pouvait pas ne pas être contente de me voir ici et ce, même si j’avais fait quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant avec elle, soit ne pas lui dire ma destination, ce que je comptais faire et tout ce que je venais avec. Je me disais que pour le coup, elle n’allait pas m’en vouloir, puisque si je lui avais tout dit, la surprise aurait été plus que gâchée. Et puis, comment pourrait-elle m’en vouloir de venir m’installer non loin de chez elle, dans les Hamptons, alors que nous avions passé ces années sans nous voir ? Bien sûr, nous nous donnions des nouvelles très souvent, à chaque jour même, mais j’avais compris depuis le temps que rien n’était tel que de se voir face-à-face, comme nous avions tant l’habitude de le faire, comme nous l’avions fait si souvent dans le passé. Je n’allais pas le cacher, tout cela m’avait énormément manqué. Calypso m’avait manquée, surtout. Voilà pourquoi, lorsqu’on m’avait proposé ce poste, je n’avais tout simplement pas su dire non. J’aurais été stupide de refuser alors que je savais parfaitement que j’y retrouverais mon amie de toujours et que même si la charge de travail serait plus importante, je serais à quelques kilomètres de cette jeune femme qui me connaît mieux que moi-même, et inversement. Je ne pouvais que sortir gagnant de tout cela, à condition, bien sûr, que la principale concernée soit heureuse de me voir, et c’était exactement ce que j’étais venu faire en ces lieux aujourd’hui. Ayant terminé ma dernière réunion plus tôt que prévu puisque, visiblement, tout le monde en avait marre de rester pour parler de rien qui soit vraiment intéressant, j’avais jugé que c’était le moment plus que parfait pour tenter d’aller voir ma meilleure amie et finalement lui faire savoir que j’étais là. Après tout, je ne pourrais pas faire durer le suspense trop longtemps, autrement elle allait commencer à se poser des questions, voire même s’inquiéter, et c’était la dernière chose que je voulais, soit lui trouver une excuse pour qu’elle soit fâchée contre moi de ne lui avoir rien dit. En voiture, je me rendis donc à son adresse que je connaissais parce qu’il y a trois ans de cela, il avait quand même fallu que je lui envoie un faire-part pour mon mariage qui était maintenant à l’eau. Sitôt que je fus devant la maison et que j’eus confirmé mentalement la dite adresse, je m’étonnai de mon propre comportement lorsque je ne cherchai même pas à sortir de la voiture, comme si j’attendais quelque chose, ou quelqu’un, peut-être même un truc aussi banal que la simple confirmation comme quoi elle était là. Réalisant que j’étais stupide d’agir ainsi, puisque cela me ferait passer pour un maniaque, je finis par me bouger, et finalement sortir de mon véhicule pour aller frapper à la porte, attendant une réponse, le cœur battant la chamade d’impatience et de nervosité.

Les quelques secondes que j’attendis avant que la porte s’ouvre étaient représentatives d’un délai très normal, le temps que la personne réalise que quelqu’un venait de sonner et se rende jusqu’à la porte pour ouvrir, mais pour moi, elles parurent interminables. Pendant ce bref moment, j’eus le temps de me demander plusieurs fois si elle était chez elle, si je me souvenais bien de son adresse, si elle serait contente de me voir, si je la dérangerais, plein de choses qui me faisaient craindre sa réaction au moment où elle me verrait sur le pas de la porte, si elle me voyait, évidemment, et si elle voulait bien me répondre. Pourquoi je craignais tant de choses alors qu’aller chez ma meilleure amie par le passé était la chose la plus naturelle au monde ? Pour tout dire, je n’en savais rien, et c’était quelque peu déstabilisant. Peut-être était-ce en raison de ce changement de vie totalement imprévu, peut-être était-ce parce que je savais qu’à présent, elle était la seule personne sur qui je pouvais vraiment compter ? Toutes ces questions bourdonnaient dans mon esprit et pourtant, elles demeurèrent sans réponse, puisqu’au moment où la porte s’ouvrit, je cessai de réfléchir, me concentrant exclusivement sur la jeune femme qui se trouvait devant moi. Elle n’avait pas changé d’un poil depuis la dernière fois que je l’avais vue – via vidéoconférence, mais quand même – et clairement, ma surprise avait marché, vu comment elle prononça mon nom dans une vive exclamation. Sa première réaction m’arracha un rire, et avec un sourire un peu crétin, je la regardai en lâchant un banal : « Salut toi ! » qui était destiné à la fois à la taquiner, mais également lui faire réaliser que j’étais là, et indirectement me faire réaliser que j’étais bel et bien devant elle, et qu’elle était contente de me voir. Puis, je la considérai quelques secondes avec mon air juvénile, jusqu’au moment où elle me sauta dans les bras. Pris de court, je réussis quand même à me rattraper, et surtout lui rendre son étreinte avec grand plaisir tout en lâchant un plus que sincère : « Oh tu m’as manquée… ». Pour la première fois depuis que j’avais décidé de quitter la Californie, je me sentis bien, réellement bien. Je compris que je n’avais pas à regretter ma décision, pas une seule seconde. Réellement heureux pour le coup, je gardai Calypso contre moi aussi longtemps que possible, ne sachant même pas estimer combien de temps dura notre accolade qui me fit le plus grand bien. Cependant, lorsque je décidai de me décaler d’elle, je ne le regrettai pas, puisque c’est là que je me rendis compte qu’elle semblait avoir les larmes aux yeux. À la fois amusé et touché par sa réaction, je pris mon visage entre ses mains – parce que je n’avais plus aucun complexe à la toucher comme cela depuis longtemps maintenant – et chassant ses larmes de mes pouces, je lui dis : « Bah alors, c’est quoi ces larmes ? » encore une fois pour l’embêter un peu. On aurait juré que cela faisait une éternité que je n’avais pas fait cela. C’était si bon de la revoir !